Des points forts
Le dixième arrondissement, au sein duquel est implanté le centre de santé Richerand compte environ 95 000 habitants. La patientelle du centre de santé Richerand est issue du dixième arrondissement et des quartiers du centre-est de Paris. Chaque année 95 000 actes médicaux polyvalents sont délivrés aux assurés sociaux, pour l’essentiel en tiers-payant, générant des recettes à hauteur de 3,2 M€. Il s’agit d’actes médicaux et paramédicaux de ville, de médecine générale et de spécialités, de chirurgie dentaire, ainsi que d’imagerie de proximité.
L’équipement technique est conforme aux standards de qualité de l’exercice regroupé et régulièrement mis à niveau. L’établissement dispose d’un système d’information performant, maintenu par un éditeur leader du marché, potentiellement DMP compatible et conforme aux spécifications de l’ASIP santé. Les locaux sont vastes, environ 3 500 m2, pour une part sous utilisés à la suite de l’abandon de plusieurs activités comme la kinésithérapie y compris en piscine, la prothèse dentaire, ou le laboratoire de biologie médicale. Dans leur configuration actuelle, ils n’autorisent pas l’organisation d’un service médical organisé autour de la médecine générale pivot, en lien continu avec l’équipe infirmière et l’équipe d’accueil.
Des faiblesses
Les horaires d’ouverture sont moins étendus que dans d’autres centres de santé de même dimension, l’établissement fermant ses portes chaque soir à 18 heures 30. Il est fermé le samedi et le dimanche, il ne propose pas de visites de généralistes à domicile ni de soins infirmiers à domicile. Le centre de santé n’a pas participé à l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération, il n’a pas contractualisé avec l’ARS ou la Ville de Paris pour des services à financement forfaitaire. Il n’a pas mis en place les conditions de réalisation de l’exercice coordonné et protocolé en centre de santé, méthode de travail en équipe pluriprofessionnelle reconnue au titre du développement professionnel continu par la HAS. A rebours des standards actuels de l’exercice regroupé, le gestionnaire en responsabilité jusqu’au 31 décembre 2014 n’a pas organisé le travail d’équipe. De plus il a modifié la rémunération des médecins pour l’indexer individuellement sur le montant des actes facturés. Les recettes ne proviennent donc que des actes de soins, dans une logique menée à son terme avec la rémunération à l’acte des professionnels. Cette manière de voir, quasi exclusivement comptable, n’a pas produit de résultat tangible dans le domaine financier qu’elle privilégiait. Les recettes ne suffisent pas loin s’en faut à couvrir les dépenses, le différentiel s’établissant autour de 2,0 à 2,5 M€ selon les années. Ce déficit est comblé par la CCAS alors que les ressortissants des industries électriques et gazières représentent 15 % de la file active.
A la recherche d’un nouveau projet de santé
Peu satisfaite de la situation de son établissement et de l’affaiblissement des valeurs de progrès social qu’elle entend défendre, la CCAS a repris en direct la gestion de l’établissement au 1er janvier 2015. Elle a mis en place au sein du CNS un groupe projet en charge d’une redéfinition complète du projet d’établissement, inscrit dans des valeurs de service public, à la recherche d’un nouveau projet de santé, articulé avec les services sanitaires et sociaux du territoire, dans lequel pourraient s’inscrire les personnels en place.
Le territoire d’implantation et le contexte politique
Au plan local, les élus de la majorité municipale du conseil d’arrondissement du 10ème arrondissement ont adopté le 1er décembre 2014 un vœu exprimant leur attachement à la mission de santé publique accomplie par le centre de santé Richerand, et leur engagement à suivre avec la plus grande attention la démarche de réorganisation qui sera engagée au cours de l’année 2015[i]. Ils ont émis le vœu que « La Mairie de Paris accompagne cette étape intermédiaire, tant sur le plan d’un éventuel nouveau portage juridique, que de la coordination du centre avec les actions de santé publique locales, régionales et nationales » Ils ont enfin émis le vœu que le centre Richerand « puisse poursuivre son action de proximité en direction des Parisiens et des Parisiennes, notamment ceux du 10e, en relation étroite avec les acteurs locaux du secteur sanitaire et social, notamment le réseau hospitalier. »
La situation médicale parisienne
La Maire de Paris a présenté en octobre 2014 au conseil de Paris une communication sur la santé[ii]. Elle y préconise de renforcer l’offre de soins en secteur 1, notamment en renforçant l’offre existante en centres de santé et en favorisant la création de centres de santé. En effet, les projections à cinq ans soulignent que certains arrondissements pourraient perdre jusqu’à 50 voire 60 % de leurs généralistes en secteur 1.
Le déficit de l’offre de médecine générale et son aggravation prévisible ne sont pas propres à Paris. Les tensions observées et celles à venir en terme d’offre médicale de premier recours sont pour l’essentiel imputables à l’épuisement du modèle libéral français. Selon une étude de l’Ordre National des Médecins présentée lors d’une communication orale le 5 mars 2015 lors d’un colloque organisé par le syndicat MG-France, sur 19 600 étudiants en médecine ayant choisi la médecine générale à l’issue de l’Examen Classant National au cours des années 2004-2010, 9 000 se sont inscrits à l’ordre des médecins, et seulement 5 500, soit un sur quatre, sont installés en libéral, tous modes d’exercices confondus. Le modèle libéral isolé est désormais inadapté aux aspirations des jeunes médecins.
Le virage ambulatoire
Dans le même temps, tous les travaux convergent en faveur d’une réorientation du système de santé français vers le premier recours. Avec la notion de médecin traitant apparue dans la Loi en 2004, la médecine générale est entrée dans une logique de population, renforcée par HPST en 2009 qui définit les soins de premier recours et pose dans son article 51 le principe des transferts de compétences entre professionnels de santé. L’arrêté du 24 février 2015 approuve le règlement arbitral conventionnel qui pérennise les rémunérations forfaitaires des équipes de soins primaires introduites par l’expérimentation des nouveaux modes de rémunération. L’accord national des centres de santé publié au JO le 30 septembre 2015 forme un nouveau cadre organisationnel et tarifaire favorisant les pratiques médicales en équipe dans le cadre de missions de santé publique. C’est dans ce nouveau contexte, favorable à l’innovation, que prend forme l’idée de bâtir un nouveau projet pour le CNS Richerand.
[i] Vœu en faveur du soutien de la démarche de réorganisation du centre national de Santé du CCAS de la rue Richerand, Présenté par les élus de la majorité municipale du 10e, En séance du conseil d’arrondissement du 10e arrondissement de Paris du lundi 1er décembre 2014
[ii] Communication de la Maire de Paris sur la santé, Conseil de Paris des 20,21 et 22 octobre 2014